samedi 20 avril 2013

Qu'est-ce que le Tantra ?



Tantra dérive de tan = étendre et de tra = instrument. Il signifie Trame, Expansion, Instrument servant à l'expansion, Technique, Méthode, Voie .
[ Photo: Lys ] Plongeant ses racines dans le passé de l'humanité, le Tantra trouva son apogée en Inde qui sut préserver son authenticité. Aujourd'hui, l'approche globale de l'Etre qu'il développe, répond parfaitement aux aspirations profondes de toute personne en quête de son essence.
Le Tantra représente une voie pratique de réalisation positive, dans l'union de l'amour et de la joie. Il développe une structure théorique et pratique, à la fois spirituelle et physique, permettant d'accomplir les objectifs de vie. Un vaste corpus de textes s'attache à examiner systématiquement les moyens d'harmoniser et de développer graduellement les énergies du corps et le psychisme humain.
L'expérience

Le Tantra peut paraître une voie mystique mais très rapidement, il fournit, à tout pratiquant une expérience vérifiable qui se fonde sur l'acte même de vivre comme amplification de la conscience. Le corps est l'instrument privilégié de l'expérience où l'Etre exerce sa perception via ses sens, ses émotions. Tout est expérimentation de l'attention consciente. Faire, c'est connaître, et il n'existe pas d'autres connaissances.
Les polarités

La réalité est une unité, un tout indivisible nommée Shakti-Shiva : conscience cosmique. Shiva est la puissance créatrice et Shakti, l'énergie.
Le monde se manifeste d'ailleurs au travers de l'alternance de polarités : féminin-masculin, action-repos, jour-nuit, profane-sacré, ... Le chemin du Tantra permet de réunifier en soi l'expression de cette relativité. Il consiste à réveiller cette conscience-énergie endormie, afin de retrouver l'unité intérieure. Il existe une force de complémentarité similaire à celle d'une charge électrique positive et négative produisant entre les deux pôles une constante attirance. Aussi, chaque conjonction des opposés est une source de félicité et débouche sur une spontanéité primordiale.
Le Féminin

Dans les rituels tantriques, chaque femme est vue comme une émanation du principe féminin et devient une réincarnation de l'énergie cosmique, symbolisant l'essence ultime de la réalité. Elle est investie de tous les aspects de la vie, de la création à la dissolution, du sensuel au sublime.
La Nature

L'Etre s'accueille dans sa propre nature et non pas dans son refus ou sa répression. Il reconnaît ses instincts naturels comme composantes de sa palette de vie. L'ascétisme, le renoncement et la servitude ne sont pas les voies de libération des servitudes de l'existence. Quelle que soit la nature humaine, elle constitue le substrat de la croissance. Il n'est nul besoin de la réprimer, d'entrer en conflit avec elle, il s'agit simplement de l'utiliser, de la reconnaître et de la dépasser. La démarche tantrique est de suivre le cours naturel de l'esprit, sans le contraindre en aucune façon. Si les souvenirs se présentent, on accueille les souvenirs, si des sentiments extrêmes surgissent, ils deviennent le lieu de la réalisation. Il suffit de faire un avec ce qui est présent plutôt que de chercher à forcer l'esprit à ne pas considérer certains aspects naturels de la vie. Etre dans ce flux est plus important que de trouver un état créé de toutes pièces.
Le rôle du corps

Le corps est appréhendé sous divers plans : physique, psychique, émotionnel, mental et au-delà. La prise de conscience d'une réalité spirituelle émanant du corps est favorisée.
Tout est conscience

L'acte le plus fondamental de l'Etre n'est pas de penser mais bien celui de devenir conscient. Connaître un objet c'est en prendre conscience, c'est unir sa conscience à celle de l'objet, c'est fusionner. Le Tantra est fondamentalement différent de la philosophie car il ne fait pas appel à l'intellect qui appréhende la vie au travers d'un langage et de concepts. Les maîtres tantrika définissent la pureté comme tout ce qui est vécu dans la conscience, et l'impureté comme tout ce qui est vécu dans l'automatisme et la non-présence.
La Transformation

Le Tantra suppose que vous soyez prêt à vivre une mutation, une transformation intérieure. Votre vulnérabilité, votre réceptivité à l'expérience vous permettront de vous laisser surprendre et pénétrer par le Tantra. Aucune pratique tantrique n'a d'efficacité réelle ni de sens si elle n'est pas vécue de l'intérieur, sans souci de compétition ou rivalité avec l'autre, mais dans une orientation globale de l'être.
L'Etre Humain est à l'image de l'univers

[ Photo: Homme Chakras ] Le corps constitue un univers en miniature. Les forces gouvernant le cosmos au macro-niveau régissent l'individu au micro-niveau. L'être individuel et l'être universel ne font qu'un. L'expression de toutes ses facettes permet d'expérimenter la correspondance corps-univers, microcosme-macrocosme. Tout ce qui existe dans l'univers doit exister également dans le corps individuel. L'un des obstacles majeurs à la découverte de cette unité essentielle résulte de l'analyse du monde en tant qu'éléments séparés : ce qui occulte l'interrelation et l'unité sous-jacente de ces éléments.
La voie royale du cœur

En laissant circuler l'énergie dans le corps, l'espace du coeur s'ouvre à sa juste dimension et libère la beauté inhérente à la vie dans l'alignement corps-coeur-esprit. L'amour est le véhicule fondamental pour communiquer la sagesse tantrique. Le tantrika, en totale présence à la réalité, nourrit et épanouit le coeur par des contacts impliquant tous les sens, si ces contacts ont lieu en l'absence d'ego, alors qu'il l'obscurcit et devient l'esclave des énergies lorsqu'ils ont lieu dans une quête liée à l'ego. Car, au lieu d'épanouir le coeur, le tantrika renforce les noeuds qui le lient à la souffrance.
Universalité

L'esprit du Tantra s'applique à tous les instants et à tous les actes du quotidien. Tout est sujet à célébrer la vie dans le jeu de sa fluidité, sa légèreté, sa simplicité et sa beauté.
La nature sexuelle de l'Etre

L'énergie sexuelle appartient à la nature fondamentale de l'être. C'est au travers de l'acte sexuel de nos géniteurs que nous avons abordé la vie. Elle constitue donc le fondement même de l'énergie de vie. Toutes les cellules de notre corps sont profondément sexuées. Le Tantra propose de reconnaître ce courant de vie afin de lui permettre de circuler librement dans le corps. C'est une des nombreuses facettes de l'énergie humaine dont il faut tenir compte dans la quête mystique, sous peine de blocages ultérieurs et de confrontations avec ses « démons » intérieurs.
Le Tantra ne s'inscrit pas dans les limitations des valeurs morales judéo-chrétiennes mais au contraire, instaure une conscience accrue de l'acte sexuel en tant que support de connaissances et facteur de transcendance. Il est alors le vecteur de libération des tabous, des peurs, des jugements, des rejets, des culpabilités qui emprisonnent l'énergie sexuelle et la contraint à un registre dénué de sens et surtout de conscience, de paix et d'harmonie.





Un peu d'histoire



Il est difficile de dater précisément l'apparition des principes et pratiques tantriques. Il semblerait puiser ses racines dans le profond passé de l'humanité et avoir été pratiqué par les civilisations précédant la nôtre (en Atlantide et en Lémurie). On rencontre des symboles du rituel tantrique dans le culte d'Harappa (civilisation de la vallée de l'Indus, IIIième millénaire avant notre ère), sous la forme de représentations de postures de yoga, et d'objets liés au culte de la Mère et de la Fertilité.
[ Photo: Statue ] C'est en Inde dans la région du Cachemire que se situe le berceau de ces pratiques au travers de références telle que le Vijnana Bhairava Tantra texte datant de plus de 5.000 ans. Le Tantra se révéla ensuite dans les livres sacrés indiens tels que deux des quatre Vedas (le Yajur Veda et l'Atharva Veda) (IIième millénaire avant notre ère). Dans son développement ultérieur, le Tantra reçut l'empreinte des Upanishads, des Epopées et des Puranas jusqu'à son plein épanouissement dans le haut Moyen Age La littérature tantrique s'est développée sur une longue période. Entre le VIIe et XIe siècle, un certain nombre de textes tantriques furent rassemblés, et sont parvenus jusqu'à nous, en provenance de diverses sources, particulièrement les textes saiva du Cachemire datant du IXe et Xe siècle, et la poésie saiva en langue tamoul, ainsi que les sources bouddhistes de vaishnava. Le nombre exact de textes est difficile à déterminer avec certitude, bien que l'on parle généralement de 108.
Le shivaïsme tantrique cachemirien, quant à lui, connut son essor à partir du VIIIème siècle, avec la révélation des Shivasutra que Vasugupta reçut en rêve, ou qu'il trouva gravés sur une roche du mont Kailash. Celui-ci (ou son disciple Kallata) rédiga une oeuvre extraordinaire « Chant tantrique du frémissement » intitulée Spandakarika. Un disciple de Kallata, Abhinavagupta donna au tantrisme son plus important développement philosophique avec son Tantraloka, en douze volumes.
Au Nord de l'Inde vers 1100 après JC, l'université de Nalanda comptait plus de 35.000 étudiants. Il s'étendit également en Chine, au Japon et en Asie du Sud-Est. Son influence est sensible dans les cultures méditerranéennes comme l'Egypte et la Crète. Il y eut une grande proximité entre les maîtres soufis et les maîtres shivaïtes, dont la poétesse et maître tantrique Lalla est un exemple étincelant. Les tantrikas se répartirent en plusieurs sectes selon la divinité vénérée et le rituel employé :
Les saivas (adorateurs de Shiva),
Les vaishnavas (adorateurs de Vishnu),
Les saktas (adorateurs de Shakti ou énergie féminine).
Le Tantra représenterait la synthèse et l'évolution des grands courants religieux de l'Asie tels que le shivaisme, le vishnouisme, le jaïnisme ainsi que le bouddhisme. Ces cultes sont toujours pratiqués en Assam, au Bengale, au Cachemire, au Nord-Ouest de l'Himalaya, au Rajasthan et partiellement en Inde du Sud. Selon la légende populaire, les lieux sacrés tantriques virent le jour là où Shiva dispersa les morceaux du cadavre de sa compagne Parvati qui avait été démembrée par Vishnou en 51 pièces. Ces lieux devinrent des centres de pèlerinage comme le temple de Kamakshya de Kamrupa dans l'Assam (organe féminin de Parvati ou yoni).
De par ses aspects considérés permissifs, le Tantra vécut de nombreuses perturbations lors des invasions mongoles (au 13ème siècle notamment), qui réprimèrent violemment toute possibilité de pratique tantrique ouverte. Ce qui contraint tous les tantrikas à l'exil (ou à la clandestinité). Le Tantra résista encore à la colonisation puritaine britannique, puis à la curiosité des Occidentaux des années 70, avides de mystiques sexuelles.
Le Tantra, dans ses développements scientifiques, a élaboré des systèmes concernant la théorie atomique, la relation espace-temps, des observations astronomiques, cosmologiques, astrologiques et alchimiques, ... Il a cartographié les structures énergétiques du corps humain : le système de canaux subtils (nadis) et les centres psychiques (chakras) où circule le prana. Il a conçu un certain nombre de disciplines yogiques.
Les tantrikas ont pratiqué des expériences dans le domaine des opérations chimiques - en particulier celui de la préparation des remèdes, à base principalement de soufre et de mercure - . En astrologie et en astronomie, ils ont confectionné des cartes du ciel qui révélaient le mouvement des corps célestes et leur interaction avec le corps et la destinée humaine. Ils pouvaient ainsi prévoir les périodes opportunes des cérémonies tantriques.